vendredi 31 juillet 2015

31 juillet 2015, Paris, Gabon : conférence du président du Front uni de l'opposition

Ce vendredi 31 juillet, à Paris, dans un hôtel proche de Montparnasse, une conférence du Président du front Uni de l’opposition, également Président de l’Union du Peuple Gabonais, Jean de Dieu Moukagni Iwangou, est brillamment organisée par Réagir, association de la diaspora Gabonaise à Paris, entre autres autour de Bruno Ondo, Gloria Mika, ou les journalistes actuellement exilés à Paris, Jonas Moulenda et Désiré Ename.
Jean de Dieu Moukagni Iwangou revient d’une semaine aux Etats-Unis, où une délégation de 8 personnes de l’opposition gabonaise a été invitée par le Département d’Etat. Le Front Uni rencontre maintenant régulièrement les diplomates américains et européens. L’ambassadeur des USA ne souhaitant « soutenir seulement un changement par les urnes », le président du Front uni, par ailleurs juriste, a imposé à l’ordre du jour des discussions à Washington l’« empeachment », la destitution bien connue outre-atlantique dont il avait été question pour le président Nixon. En l’occurrence, il s’agirait d’aller jusqu’au bout de l’affaire de l’Etat civil et de la situation administrative du président gabonais, accusé de faux et usage de faux lors de sa candidature à la présidentielle en 2009, dans la fourniture d’un acte de naissance. Jean de Dieu Moukagni Iwangou a lui-même saisi la Haute Cour de justice gabonaise en novembre 2014.
A Washington, l’organisation non gouvernementale, National Democratic Institute (NDI, Institut National Démocratique pour les Affaires Internationales), a été proposé pour une « supervision » de la présidentielle de 2016, six mois avant les élections, pour suivre la révision de la liste électorale avec biométrie, la campagne, et le processus électoral jusqu’à la publication des résultats. Le NDI intervient rarement en Afrique francophone, et dans les 20 ex-colonies françaises, n’est sans doute intervenu qu’à Madagascar en 2006 et à la présidentielle de fin 2013 aux côté de l’Union européenne et de l’Organisation internationale de la Francophonie. Cela pose donc d’autres questions sur la probabilité d’un accompagnement international mixte technique et politique de bout en bout du processus électoral.
Après 42 ans de pouvoir de la famille Bongo, évoquant l’avis de diplomates français insistant eux-aussi sur « un changement qui ne pourrait venir que des élections »,  Jean de Dieu Moukagni Iwangou indique que « le bulletin de vote ne permet pas d’aboutir », parce que de « bout en bout, le processus est sous contrôle », en particulier la révision des listes électorales qui seront mal faites par le ministre de l’intérieur, et le résultat qui sera validé par une Cour constitutionnelle dirigée par la mère d’Ali Bongo. Le plaidoyer d’une « nouvelle élite formée à la bonne gouvernance » continue pour tenter d’obtenir un processus électoral dans des « standards internationaux ». Quelques allusions à la possibilité d’une voie insurrectionnelle rappellent les accents du Congrès de l’opposition pour l’alternance à Paris du vendredi 5 décembre 2014, juste après la chute de Blaise Compaoré.
Jean de Dieu Moukagni Iwangou pose des conditions pour un « dialogue inclusif » voulu par l’Onu, la prise en compte de 2 questions préjudicielles. Le Front Uni demande, primo, que le dialogue soit arbitré par une « autorité de médiation » composée de l’ONU, l’Ue et l’Ua, secundo, que soit discuté la situation administrative du chef de l’Etat actuel, soit, selon le document ‘Agenda cadre’ distribué avec le dossier de presse, à l’aide d’une « clause attributive de compétence au bénéfice d’une juridiction internationale », soit à l’aide de « modes alternatifs de règlement des conflits, notamment la médiation, la conciliation, et l’arbitrage ».
Selon le président du Front, la destitution est un devoir et la résistance constitutionnelle un droit. Pendant le débat avec la salle, Jean de Dieu Moukagni Iwangou répond à une question sur l’éventualité d’un boycott, que le Front uni participera à toutes les élections, mais prévoit que « le régime sera destitué » et que la « destitution s’ouvrira sur une transition puis une réforme de la constitution, avec retour à une élection à deux tours, à une limitation du nombre de mandats, et une biométrie électoral » correcte. En réponse à la question du candidat unique du Front, il affirme que les 27 membres du Front peuvent proposer des candidats et que le Front souhaite une élection à 2 tours.
Sur la relation avec le gouvernement français, il revient sur l’épisode de l’acte de naissance des archives de Nantes, qui fait qu’Ali Bongo doit toujours montrer la preuve de sa nationalité.
Devant une diaspora gabonaise parisienne militante contre la dictature, si tout n’a sans doute pas pu être dit sur la stratégie de l’opposition, la conférence de presse organisée par Réagir a permis de bien éclaircir certains points. L’effet de la chute de Blaise Compaoré a maintenant presque disparu. La perspective d’une nouvelle élection organisée par un régime dictatorial très peu soutenu par la population se rapproche. Ali Bongo ne semble pas capable de faire autre chose que de préparer une nouvelle mascarade électorale. Cet enjeu de la fin de la dictature gabonaise, emblématique de la Françafrique, révèle aussi les hésitations de la communauté internationale à soutenir la qualité des processus électoraux en Afrique et à s’engager concrètement pour la démocratisation du continent.
Compte rendu rédigé le 4.8.15

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