mercredi 8 juin 2016

7 juin 2016, Paris, Conférence IFRI sur Burundi et Congo Kinshasa

Ce mardi 7 juin, à Paris, l’Institut français des relations internationales, assisté par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la défense (DGRIS) organise une conférence intitulée « Enjeux politiques et sécuritaires dans les Grands Lacs. Les cas du Burundi et de la RDC ». Le point commun entres les 2 pays est évidemment la limitation du nombre de mandats présidentiels (+ dossier) Je suis arrivé au début du débat de la première partie sur le Burundi.
Pendant ce débat sur le Burundi, Tomas Van Acker, de l’université de Gand, Thierry Vircoulon, chercheur associé à l'Ifri (ex-ICG), et Antoine Kaburahe, directeur du journal Iwacu, répondent surtout aux questions sur l’avenir de l’accord d'Arusha. Une commission pour la révision de la constitution parle déjà d’annuler l’accord. Antoine Kaburahe explique que l’Accord d’Arusha avec ses quotas de Tutsis et Hutus aurait pu vieillir en démocratie et peut-être disparaître un jour, mais que pour l’instant il avait d’abord permis 10 ans de paix.
Le chercheur belge dénonce la communauté internationale qui n’a pas essayé, par le levier de l’aide, de prévenir la crise. La Belgique, par exemple, à accordé 50 millions d’Euros d’aide bilatérale sous conditions mal évaluées, lié au processus électoral de 2010 qui en soi n’était pas mauvais. Thierry Vircoulon, lui, reproche à tous les garants, citant les français, de n’avoir pas joué leurs rôles en « diplomatie préventive », sachant que la justice transitionnelle était enterrée et que la démocratie a été attaqué lors du second mandat, avec la fin de l’alliance du premier mandat. Il constate que la médiation de l’Union européenne entre 2013 et 2015 a échoué.
Ensuite, sur la République démocratique du Congo, les intervenants sont, de gauche à droite, Cyril Musila, chercheur associé à l’Ifri qui parle de la « traçabilité et de la certification de l'artisanat minier », Habibou Bangré, journaliste, qui s’exprime sur « les mouvements citoyens et la jeunesse », et Marc-André Lagrange, consultant évoquant « 17 ans de présence de l’ONU ». Ils sont modéré-e-s par Christoph Vogel.
Habibou Bangré fait un bilan assez élogieux des mouvements citoyens, la Lucha, Filimibi, et le Front citoyen, qui ne peuvent que nous être sympathiques. L’ANR aurait décidé d’infiltrer les mouvements. La Lucha est entrée dans le comité préparatoire du dialogue national. Elle signale des divergences stratégiques dont sur la question du leadership de l’opposition. Cette opposition  se réunit justement à Bruxelles pour en parler.
Cyril Musila, sur la traçabilité et la certification de l'artisanat minier, en particulier dans le Kivu, explique l’Initiative sur les Ressources naturelles qui vise à séparer l’exploitation artisanale des minerais, le Coltan, l’Etain (Cassitérite), le Tungstène, et l’or, des activités des rébellions. Ce sont surtout des notables et militaires des FARDC qui empêchent l’organisation correcte. Il y a eu beaucoup de bonne volonté mais la mise en œuvre est très décevante. Fraude et contrebande sont réalisées par des notables « proches d’une mafia ».
Marc-André Lagrange est très convainquant sur les aspects militaires et l'historique de la Monusco. Il dénonce un grand nombre d’erreurs historiques de la force de maintien de la paix, qui obéit excessivement aux Etats contributeurs, Inde, Pakistan, Afrique du Sud, Tanzanie, Malawi, pour conclure sur une « impasse » présente. Mais, le chercheur est moins convainquant sur le processus électoral actuel de la présidentielle. Sans doute insiste-t-il trop sur un des scénarii possibles, celui où Joseph Kabila resterait maître du jeu jusqu’au bout comme dans n’importe quelle dictature. Il est vrai que, selon mes calculs, seules 2 présidentielles organisées en dictatures ont, depuis 26 ans, permis une alternance. Mais le rapport de force sur le Congo Kinshasa est aussi inédit. Je suis surpris que personne ne rappelle les pressions américaines constantes.
Selon moi, Marc-André Lagrange revient trop sur 2011. Si l'ONU a permis à Kabila de passer en 2011 par « au minimum, une complicité implicite », et que ce qui lui a fait perdre du crédit dans l’opposition, je ne suis pas convaincu que cela ne pèse alors qu’il y a un vrai rejet de Kabila par la "communauté internationale", bien visible depuis plus d’un an. En 2006, comme le précise Cyril Musila, l’ « instrumentalisation des conflits à l’Est pouvaient marcher » et servir d’argument, mais en 2016, « aujourd’hui, Kabila n’est plus la solution ». 
La veille, l'Union africaine (UA), les  Nations  unies,  l'Union  européenne  (UE)  et  l'Organisation  internationale  de  la Francophonie  (OIF) annonçaient qu’elles allaient assister le facilitateur Edem Kodjo, pour  « permettre d'arriver  à  un  consensus  permettant  la  tenue, dans   le   cadre   de   la   Constitution   congolaise,   d'élections   libres,   régulières, transparentes et crédibles », un souhait très important exprimé par l’opposition et la société civile, et encore récemment par l’Eurac. Comme à l’époque de la lutte contre le M23, est-ce que le Conseil de sécurité ne pourrait pas jouer son rôle ? Fédérica Mogherini l’a implicitement proposé, en parlant de travail commun, le 6 juin à New-York. Edem Kodjo, ministre togolais et ami du dictateur Faure Gnassingbé, pourrait donc réussir à faire avancer le processus malgré son pedigree. Cela ne signifie par que l’on surestime le poids des influences externes sur le rapport de force interne.
Le débat ne se conclut sur aucune certitude. Cela me semble normal à ce stade du processus électoral congolais, qui reste pour l’instant très imprévisible. La durée du délai après le 27 novembre n’est-elle pas en train de se « négocier » en même temps que les conditions de réalisation des élections ? Sur RFI, Corneille Nangaa, président de la Commission électorale, dit le jour-même : « le fichier ne sera pas disponible avant la fin de l’année. En milieu de l’année 2017, le fichier sera déjà prêt. Le fichier aujourd’hui est le seul argument, malheureusement, qui justifie la non-tenue de l’élection. » A bien lire, le fichier électoral pourrait donc être prêt entre le 1er janvier et le 30 juin 2017. Au contraire de ce qui s’observent habituellement dans les processus électoraux dans les dictatures, une certaine raison se constate derrière le flou diplomatique, les manœuvres des politiques congolais, et une négociation internationalement suivie et extrêmement serrée.
Régis Marzin,
Article écrit et publié le 8 juin 2016

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire