mardi 29 novembre 2016

28 novembre 2016, Aubervilliers, Politique migratoires et droit de l’homme

Les conférences du Campus Condorcet donnent ce lundi la parole Danièle Lochak professeure émérite de droit public à l’Université de Nanterre et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), dont elle a été présidente entre 1985 et 2000. L’intitulé de la conférence est ‘Politique migratoires et droit de l’homme : une conciliation impossible’.
Danièle Lochak explique une série de violations des droits humains et de problématiques juridiques. Ce sont les lois Pasqua qui avait enlevé la sécurité sociale aux sans-papiers qui avaient provoqué la création de l’Aide médicale d’Etat (AME), menacée en ce moment. Actuellement la durée de détention sans voir un juge est de 48h.  Les contrôles d’Identité au faciès posent problème. Il y a une multiplication de fichiers dont le Système d’Information Schengen (SIS), les enquêtes policières à domicile contre le regroupement familiale et les faux mariages. La carte pluri-annuelle augmente la précarité. La liste des délits pénaux et des incriminations augmentent, par exemple sur la paternité de complaisance ou les délits de solidarité transformés en accusations diverses. Elle reproche à l’Union européenne de ne pas faire ce qu’elle dit en tenant à distance les migrants, et de causer des atteintes aux droits humains touchant le droit à la vie. Elle condamne l’externalisation de la politique migratoire dans les pays tiers, en particulier la Turquie, le filtrage de Schengen, la politique des visas et des visas de transit, les amendes de 5000 euros aux compagnies aériennes qui laissent passer un sans-papier, Frontex qui a déjà bloqué le passage aux canaries, à Gibraltar, à Lampédusa, essaye de bloquer en Méditerrannée, complique les passages et provoque des morts dans le Sahara, en Méditerranée, les viols et la torture dans les camps libyens, le tri avant refoulement sur les bateaux de Frontex, les accords de réadmissions et la pénalisations des sortie de territoires en Algérie et au Maroc qui remet en cause le droit d’asile, le processus de  Khartoum pour la Corne de l’Afrique, les centre d’accueil en Erythrée, au Soudan et en Ethiopie, le blocage des libyens par l’Ue depuis 2011, l’absence de réalisations des objectifs d’accueil des syriens, alors que Erdogan va faire comme Khadafi en lâchant de temps en temps des salves de migrants, la destruction du camp de Calais, le nouveau Centre humanitaire de 400 places ouvert à Paris, l’accord de Dublin avec la référence aux pays d’entrée en Europe, la remise en cause du droit d’asile pour les afghans, syriens, soudanais, érythréens, dans l’hostilité aux étrangers, l’absence de capacité d’accueil pour les réfugiés, l’irrespect des procédures d’accueil.
Elle souligne qu’en ce moment des soudanais sont expulsés de la France vers le Soudan. Il pourrait y avoir une différence de faite entre mélange de faim, de dictature et de guerre au Soudan, et dictature la plus dure d’Afrique en Erythrée.
Danièle Lochak demande tout simplement la libre circulation. Elle souligne l’effort d’Angela Merkel (en cherchant après le débat les chiffres : 600 000 réfugiés syriens dont 429 000 en 2015). Elle trouve que la distinction entre asile et autre cause de départ est une « distinction problématique ». Elle pense que quelque soit les barrières les gens partent d’Afrique ou d’ailleurs. Elle dénonce la pensée unique depuis l’arrivée du FN dans le débat. Elle regrette que le gouvernement PS qui se dit « ferme avec humanité » préjuge de l’opinion publique et en rajoute, en allant vers une défaite électorale, puisque « l’on préfère l’original à la copie », et que le parlement européen depuis qu’il a plus de pouvoir a changé de position sur les migrations, comme quoi le pouvoir pousserait à un basculement de position.
La salle semble assez d’accord et personne ne réagit de manière critique. Pendant le débat, des élu-e-s d’Aubervilliers se demandent quoi faire avec afghans et les érythréens. Danièle Lochak pense qu’ils finiront par se perdre dans la nature et ne seront pas renvoyer. Un ancien élu communiste remarque que l’on parle de l’immigration pauvre et réclame qu’on s’engage politiquement au-delà des questions de droits humains.
Et pour finir, de manière surréaliste, les élèves du conservatoire, Ambroise, Jérémy et Olga nous joue et nous chante un peu de Schubert.
Que dire ? C’est délicat. Il n’y a pas eu de débat contradictoire. La position de Danièle Lochak est ancienne, elle est morale et idéologique, même s’il s’agit de droit et de faits très concrets, mais elle est aussi en décalage avec la réalité. Par exemple, la politique européenne est bien plus complexe, intelligente, ancrée dans une dimension géopolitique, qu’elle ne l’insinue. Dans cette complexité, il y a des manques, des contradictions, à analyser de manière dialectique. Refuser en 2016 de distinguer les réfugiés économiques des réfugiés politiques, pour privilégier la solidarité, c’est prendre le risque de refuser l’analyse plus fine des causes des migrations, qui est inévitable et est déjà largement commencée, dans l’objectif de construire des solutions face à une variété de situations. La politique migratoire a déjà commencé à se rationnaliser au niveau européen, avec des conséquences plus en Afrique qu’au Moyen-Orient. L’échelle française perd de son importance. Jusqu’à Aubervilliers, les conséquences des nouvelles règles se feront sentir, les pays d’origines des arrivants varient. Après la vague ivoirienne, tunisienne, égyptienne de 2011, il y a eu les arrivées de Soudanais, d’Afghans, d’Irakiens, d’Erythréens. De nombreuses décisions en lien avec ces vagues ont déjà été prises et cela va continuer, même s’il y a beaucoup d’impuissance face à des situations désastreuses. Il y a aussi un mélange des domaines de la politique migratoire européenne et de la politique de défense commune. La politique de défense commune marque un tournant historique pour l’Europe. Trop de choses ont déjà commencé à changer, en fonction de données historiques, économiques, politiques, pour pouvoir rester sur l’idée de la « libre circulation ».
Régis Marzin
Journaliste indépendant, 29 novembre 2016

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