jeudi 25 août 2016

24 août 2016, Paris, Gabon : conférence de la Plate-forme nationale de la société civile

Trois jours avant la présidentielle du samedi 27 août, le président de la Plate-forme nationale de la société civile gabonaise, Georges Bruno Ngoussi, est venu à Paris rencontrer la diaspora gabonaise. Ayant pris des responsabilités importantes dans le suivi du processus électoral, le Pasteur Ngoussi a pu quitter Libreville 24 heures, pour venir montrer à la diaspora l’importance d’une unité autour de l’alliance de l’opposition constituée depuis la nomination d’un candidat unique.
A ses côtés, intervient Mengue M’Eyaa, militante de la diaspora gabonaise à Paris et conseillère du candidat Guy Nzouma Ndama. Celle-ci commence par évoquer la sécurité sociale et l’accès à l’eau potable comme bien public, deux enjeux de développement. Elle revient ensuite sur l’élection, rappelant que les président-e-s de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP) et de la Cour constitutionnelle sont inféodé-e-s à l’auteur du coup d’Etat électoral de 2009. Elle informe sur des urnes bourrées trouvées récemment, demande à l’Union européenne de dénoncer ces faits et de « ne pas venir pour entériner la victoire du président sortant ».
Le président de la Plate-forme nationale de la société civile gabonaise commence par faire le point sur le processus électoral qui « n’obéit à aucune norme démocratique ». Il dénonce « le fichier électoral truqué », « la délivrance de pièces d’identités provisoires de 3 mois à des ressortissants de pays étrangers », « des media publics non régulés » et au service d’Ali Bongo, « la casse des panneaux publicitaires » autres que ceux du président, la distribution d’argent pour venir aux meetings, «  de 5000 à 1500 CFA », l’« achat de cartes d’électeurs  entre « 45 000 et 150 000 » CFA, le transport de forces de sécurité pour participer en civil à des meetings dans les camions militaires, « le déplacement du Ministère de l’intérieur »  et « le déplacement de la CENAP un mois avant les élections dans une caserne de la Garde républicaine ».
Georges Bruno Ngoussi constate que « les observateurs internationaux semblent impuissants » et pourraient se contenter d’accompagner une mascarade électorale « dans le calme », comme cela s’est fait pour d’autres « dictateurs », en « reconnaissance de services rendus ». Il ne parle pas explicitement de la mission d’observation européenne. Selon lui, Jean Ping va « continuer la lutte pour la protection de l’environnement et contre l’insécurité ». Il regrette qu’un diplomate américain ait félicité Ali Bongo sur de tels points et demande à la diplomatie américaine de suivre la « déclaration du congrès américain » du 12 juillet. Il demande aussi au pouvoir français d’ « éclaircir sa position ».
Le pasteur rappelle que des membres des syndicats et de la société civile, Jean Rémy Yama et 22 autres personnes, sont toujours en prison. Il signale enfin que des ressortissants étrangers au Gabon pourraient « perturber le processus électoral ».
En conclusion, il revient sur la volonté populaire d’une candidature unique, revendication qui a été reprise par la société civile, qui s’est ensuite largement rassemblée derrière cette candidature. Georges Bruno Ngoussi a mené la société civile dans les discussions qui ont abouti à la désignation de ce candidat. Cette désignation de Jean Ping suite au ralliement de Guy Nzouma Ndama d’Héritage et Modernité, le président de l'Assemblée nationale jusqu’au 31 mars 2016, et de Casimir Oyé Mba, le candidat de l’Union nationale, a été connue le 16 août, 11 jours avant le scrutin. Georges Bruno Ngoussi tient à raconter l’histoire de cette négociation.
Selon le Pasteur, la négociation a duré 72 heures. Les candidats ont d’abord, le premier jour, été auditionnés par la société civile. Les 3 candidats principaux étaient d’accord sur le principe de la candidature unique mais voulait tous être ce candidat. Casimir Oyé Mba a demandé que soient définis des « critères objectifs ». Ces critères ont été choisis : « réseau international, capacité de mobilisation, humilité, solvabilité » pour aller au bout de la campagne. Georges Bruno Ngoussi a rencontré le président de l'Union nationale, Zacharie Myboto et un report pour « mutualiser les efforts et emmener d’autres candidats » a alors été décidé. Une annonce était prévue et ce premier rendez-vous n’a pas été annulé : la plate-forme des 12 organisations y a indiqué que l’annonce était reportée le 16, toujours à l’église Nazareth d’Okala. Jean Ping a été alors choisi dans la nuit, une nuit avec des « sages », en plus des candidats et de la société civile. Le fait que Jean Ping, connu à l’international, soit allé dormir dans tous les villages y compris des villages des pygmées, a été symboliquement remarqué.
Après la fin de l’intervention du président de la plate-forme, le débat avec la salle est lancé. La candidature unique a redonné de l’espoir et les propos sont constructifs. Le pasteur demande à la diaspora de s’unir. Des manifestations sont déjà prévues chaque jour devant l’ambassade du Gabon à Paris, en particulier samedi jusqu’au dépouillement après la fermeture du bureau de vote à 23h. La diaspora enquête sur la préparation des fraudes dans les grandes villes françaises. Des explications sont redonnées sur l’enveloppe du vote qui pourrait poser problème : l’enveloppe est formée de deux parties, une noire pour les bulletins non utilisés notée ‘poubelle’, une blanche pour le bulletin voté. Cette enveloppe originale en Afrique avait été demandée par l’opposition, en particulier Pierre Manboundou.
Quelques intervenants sont cités à propos du processus pour arriver à une candidature unique de l’opposition :  sans oublier de nombreux citoyens activistes, entre autres, parmi les membres de la société civile, Georges Mpaga, le président du Réseau des Organisations Libres de la Société Civile du Gabon (ROLBG), et dans les partis, au niveau de l’Union national, Mike Joktane, lui aussi très actif. Côté France, sans préjuger du poids de cette influence, Mengue M’Eyaa, membre du Parti socialiste français, reconnaît avoir pris contact avec les député-e-s Claude Bartolone et Elisabeth Guigou, la société civile a tenté de rentrer en contact avec l’Elysée. Personne ne parle de Robert Bourgi qui a pris position et est cité par la Lettre du Continent. La question de la Françafrique est rappelée par une personne de la salle et rapidement abandonnée, sans doute considérée comme secondaire dans le contexte actuel.
Une autre question posée concerne la possibilité – ou pas –, dans l’hypothèse d’une victoire, pour les opposants d’aider d’autres pays africains à se démocratiser. La question n’étant pas simple et méritant à elle seule un débat plus large, elle est laissée sans réponse claire.
Après l’alliance, les programmes de quatre candidats ont été rapidement synthétisés et Jean Ping fait maintenant campagne avec un programme commun. Mengue M’Eyaa insiste sur la priorité de Jean Ping à la réforme des institutions, mais aussi sur « la santé la culture, la coopération décentralisée, le codéveloppement, la jeunesse ». L’ancien président de la Commission de l’Union africaine a dans son programme « l’école gratuite jusqu’à 16 ans ».
La société civile a formé des scrutateurs, qui travailleront aussi avec les partis politiques, après que le Ministère de l’intérieur ait sorti une note pour les empêcher d’agir indépendamment. Des « brigades de sécurisation des résultats » seront déployées dans les bureaux de vote. Pour les observateurs, apporter sa propre nourriture et refuser les « sandwichs de la CENAP » est recommandé. Un appel a été lancé pour que la population surveille les bureaux de vote selon le principe « Je vote, je reste ». En particulier, il est question d’empêcher les votes multiples liés aux cartes électorales achetées ou de contrôler les votes par procurations.
Pour le rassemblement des résultats, l’opposition utilisera l’application ‘regardez les élections au Gabon’ (REGAB) créée par Pierre-Desthin Soghe, informaticien gabonais au Québec, « réalisée avec la collaboration d’un groupe Facebook qui compte 2.574 membres ». La coupure générale d’internet est évidemment crainte. Dans le contexte actuel, elle serait fortement dénoncée à l’international. La société civile est en contact avec l’ONU et les diplomates à Libreville. Elle espère dans tous les cas, et même en cas de coupure générale d’internet pouvoir faire connaître rapidement des résultats indépendamment de la CENAP et de la cour constitutionnelle, jugées d’avance sans crédibilité.
Le climat du Gabon a changé. Selon le pasteur, « les gens parlent à visage découvert, la peur a changé de camp ». Pendant la conférence, des images des nombreux meetings sont projetés, un drone a permis de filmer des foules. Le président de la plate-forme constate un « phénomène Ping ». Un intervenant voit Jean Ping comme « la pointe d’une lance »  capable de briser une glace épaisse. Derrière se trouve le peuple, qui, selon cet intervenant, « quelque soit le résultat, sera dans les rues », et aura la possibilité d’aller, si besoin, vers « la désobéissance civile et pacifique ».
Le pasteur donne une connotation religieuse au débat, il fait référence à la bible en citant le slogan de Jean Ping « Etre à l’abri de la peur, être à l’abri du besoin ». L’affaire des crimes rituels est évoquée, une personne de la salle parle de revenir aux « valeurs du christianisme universelles ». Cela fait réagir Mengue M’Eyaa, qui rappelle la place des athé-e-s et des musulman-e-s et rebondit sur la culture originale gabonaise et sur l’idée de biens communs. Elle souligne également que le Gabon de demain se fera avec les femmes, sous les vifs applaudissements de la salle.
Aucun dictateur africain n’a accepté de perdre une présidentielle depuis le 27 décembre 2002 quand, au Kenya, Daniel Arap Moi et l’ancien parti unique KANU avaient accepté les règles du jeu de la démocratie, en particulier l’application de la limitation à deux mandats et l’alternance de parti politique. Est-ce que le Gabon pourrait être le premier pays depuis 13 ans et demi où un président accepterait de quitter le pouvoir par les urnes ?
Selon Georges Bruno Ngoussi, « quelque soit la fraude, Ali Bongo va partir ». Le 22 août, dans une lettre à tous les Gabonais , Guy Nzouba Ndama, Jean Ping et Casimir Oye Mba ont déclaré: « Nous vous invitons à vous tenir prêts à défendre votre vote. Quoi qu’il nous en coûte, individuellement et collectivement, nous ne devons pas reculer ! … Vous avez le devoir de vous demander ce qu’il adviendra de chacun d’entre nous et de notre pays si, par extraordinaire, Ali Bongo rééditait son passage en force… Envers et contre tout, nous vous appelons à la mobilisation, à la prise de conscience des défis et enjeux de cette élection…  L’élection du 27 août … doit nous permettre de faire entrer notre pays dans la modernité. »
Le fait que les opposants soient sortis du ‘système Bongo’ avec une connaissance de ses rouages revient plusieurs fois dans le débat. Les départs du Parti démocratique gabonais (PDG) ont constamment affaibli le ‘fils’ d’Omar Bongo et pourraient continuer. La dictature d’Omar Bongo étaient, dans les ex-colonies françaises, la moins violente, ce qui a permis que la classe politique ne soit pas ensuite décrédibilisée et rejetée par la population. Au milieu des solides dictatures africaines dans lesquelles les mascarades électorales sont depuis longtemps imparables (selon un intervenant du public, la « loi du casino » selon laquelle le propriétaire est toujours gagnant), cet affaiblissement depuis 7 ans d’un chef de l’Etat qui n’avait fait que récupérer le système ‘paternel’ a fait la spécificité du Gabon.
L’alliance de l’opposition 11 jours avant le scrutin est aussi inédite et a créé une première surprise. Cet accord tardif a l’avantage de mettre en évidence la force de chacun des membres de la coalition et de la rendre ainsi plus crédible, plus réaliste car constituée sans gommer les divergences. L’électorat d’Ali Bongo est maintenant estimé comme très inférieur à celui du candidat de l’opposition. L’alliance de l’opposition et son candidat cachent une diversité d’approche dans la société civile et les différents partis, complexe et riche, proche de ce que qui pourrait permettre une nouvelle sorte de transition de la dictature vers la démocratie. Cette configuration originale avant le scrutin a soudain augmenté la probabilité d’une première chute de dictature par les urnes en Afrique depuis 2002. Cependant, les dictateurs ont eux-aussi l’habitude de créer des surprises, sans aucun scrupules, des surprises d’autant plus inattendues, perverses ou violentes, qu’ils se sentent menacés.
Régis Marzin,
Paris, 25 août 2016
Texte également publié sur le blog Regard * Excentrique

mercredi 17 août 2016

17 août 2016, Morgat, La Smala au Mardi de Morgat

Ambiance folle furieuse ce soir à Morgat ! avec le groupe la Smala (banda) !

jeudi 4 août 2016

3 août 2016, Paris, le député tchadien Gali Ngotté Gatta en conférence

Le mercredi 3 août, le député tchadien Gali Ngotté Gatta est en conférence à Paris, où il a informé des membres de la diaspora tchadienne et quelques journalistes, dont le journaliste Seidik Abba (photo, à gauche). La conférence était organisée par l’inépuisable blogueur Makaila Nguebla (à droite).
Après avoir rappelé la situation désastreuse dans laquelle se trouve son pays, par exemple, au niveau de la santé complètement sinistrée depuis la chute du prix du pétrole, le leader tchadien est revenu sur la présidentielle d’avril. Il appartient au groupe des 6 candidats qui se battent contre le nouveau coup d’Etat électoral d’Idriss Déby, et incarnent, ensemble, la nouvelle configuration de l’opposition à la dictature.
Le député universitaire décrit les 3 phases de la fraude formant le coup d’Etat électoral. Après 2 présidentielles boycottées, l’arrivée de la biométrie avait amené un « espoir » qui a conduit des « inscriptions massives », mais la biométrie n’a pas été installée correctement, puisque « les cartes d’électeurs ont été distribué sans vérification » et que, « le jour du vote, il n’y a pas eu d’authentification à cause de l’absence du kit ». Gali Gatta parle de l’absence de lecteur de carte à puce. La première phase a donc été celle de la fraude par le fichier électoral, avec des mineurs, des étrangers.
La seconde phase, le jour du vote, a été basée sur la « duplication des procès verbaux » et leur transmission par une « Commission électoral nationale indépendante (Ceni) parallèle », comportant certains membres de la vraie Ceni, comme l’avait par ailleurs indiqué, Saleh Kebzabo le 30 mai à Paris. Dans la présentation finale des résultats, « seuls les résultats régionaux ont été compilés ». La Ceni a aussi oublié des urnes qui ne sont pas arrivées à Ndjaména. La troisième phase implique le Conseil constitutionnel qui n’a pas récupéré les Procès verbaux réels. Un résultat impossible a été publié par la Céni et validé par le Conseil constitutionnel. Même avec toutes les voix au Nord, Déby était tellement distancé au sud qu’il ne pouvait pas franchir les 50%.
Gali Gatta parle ensuite sur la politique militaire d’Idriss Déby qui pèse très lourdement sur le budget du Tchad et est décidée de manière secrète, par exemple au Yémen. Il insiste sur Boko Haram, sur la question politique que cache la question militaire. Selon lui, la partie tchadienne de la zone du Lac Tchad est une zone à problème à cause du gouvernement, une zone dans laquelle des jeunes entrent dans Boko Haram pour se révolter contre le pouvoir tchadien. Il alerte également sur la montée du salafisme et du wahhabisme qui gagne du terrain sur la confrérie Tijani(yya).
Dans le débat, Gali Gatta souligne que le 21 avril, Idriss Déby a montré qu’il n’hésiterait pas à tirer si la population contestait les faux résultats de l’élection, et que lui-même s’est donc opposé à ce que les jeunes sortent dans la rue. Il revient également sur la création récente du Front de l'Opposition Nouvelle pour l'Alternance et le Changement (Fonac) et sur l’idée du Gouvernement de salut public, une « expression de la légitimité », « à réfléchir ».
Sur le soutien du gouvernement français à Idriss Déby, « l’homme de la situation » (plus ou moins par défaut ou « vu comme le moins pire » dans une question de Seidik Abba), il souligne que « les français se font du mal à eux-mêmes en niant tout ce que Déby a fait avec le terrorisme », citant les membres de la famille de Déby chassé par celui-ci à cause de leur lien avec Boko Haram. Il souhaite que l’opposition tchadienne présente au gouvernement français des arguments documentés sur le sujet, pour en discuter. Concernant la Françafrique, il pense que, les « élections fraudées sont la dernière trouvaille » et que « seuls les pouvoirs démocratiques pourront reposer les questions » autour de la relation entre la France et l’Afrique.
Dressant ce bilan, le député pense qu’Idriss Déby est déjà dans des difficultés telles, qu’il doit dialoguer avec son opposition, et que cette opposition doit dépasser un « choix cornélien », pour exiger ce dialogue. Le 23 juillet, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux Affaires politiques, Jeffrey Feltman, « a appelé ses interlocuteurs à soutenir un dialogue inclusif, notamment en vue des prochaines élections législatives ». Gali Gatta indique que pour ce dialogue, on ne pourra éviter d’inclure les « politico-militaires » qui pourraient profiter, comme par le passé, de « ralliements ». Avec « optimisme », Gali Gatta pense qu’Idriss Déby ne pourra finir son mandat, car il sera battu « par un rapport de force dans la démocratie », « une victoire par la démocratie, un refondement avec le peuple ». Il insiste sur la place de la société civile pour arriver à « un changement ».

Régis Marzin, Paris, compte-rendu rédigé le 4 août 2016

lundi 1 août 2016

31 juillet 2016, Paris, Quartier d'été, Naïssam Jallal

Naïssam Jalal and Rhythms of Resistance, au parc de la Butte du Chapeau Rouge, à Quartier d'Eté, antidote à la morosité ambiante depuis l'annulation du Cinéma en plein air à la Villette. C'est beau, c'est calme... on  se retrouve entre ami-e-s. On attend à peine un sans-logis qui habite là et rêve très fort de darbouka. Des enfants jouent devant la scène et font voler le sable. Le soleil hésite et fait varier la couleur, la couleur de la musique, la flûte traversière, le saxophone, la guitare, le violoncelle, la contrebasse, la batterie, la darbouka. Entre deux chansons, entre jazz et mélodie orientale, Naïssam Jalal rend hommage au peuple syrien.